Les Chantiers de l'histoire
Il y a 75 ans naissait l'Office national du
film
Le 2 mai 1939, l'Office national du film
canadien (ONF) naissait avec la Loi créant une Commission
nationale du cinématographe, dont voici l'article 9 :
«
Dans
l'accomplissement
des devoirs que lui impose la présente loi,
le commissaire relève en tout temps de la Commission et est
assujetti à
ses ordres, et il lui incombe:
«a.
D'émettre
des
avis
consultatifs
sur la production et la
distribution de films nationaux destinés à aider les
Canadiens de
toutes parties du Canada à comprendre les modes d'existence et
les
problèmes des Canadiens d'autres parties;
«b.
De
coordonner
les
activités
cinématographiques nationales et
départementales après avoir consulté la Commission
et les divers
départements et services administratifs;
«c.
De
donner
des
conseils
sur les moyens d'obtenir la qualité,
l'économie, l'efficacité et la coopération utile
dans la production, la
distribution et la représentation des films du gouvernement;
«d.
D'émettre
des
avis
consultatifs
sur les contrats et conventions
de production, de distribution et de représentation concernant
les
activités cinématographiques des divers
départements du gouvernement,
d'approuver lesdits contrats et conventions et, à leur
égard, d'agir
comme intermédiaire entre ces départements et le Bureau
et entre ces
départements et les sociétés commerciales;
«e.
De
donner
des
avis
consultatifs sur les dépenses effectuées par
les départements relativement à la production, à
la distribution et à
la représentation des films;
«f.
De
représenter
la
Commission
dans ses rapports avec les
organisations commerciales d'actualités filmées et les
organisations
cinématographiques non commerciales;
«g.
De
donner
des
conseils
sur la distribution des films du gouvernement
dans d'autres pays;
«h.
De
coordonner et
d'étendre des services de renseignements concernant les
activités
cinématographiques du gouvernement. » [1]
À cette époque, la production
cinématographique est principalement
entre les mains de l'Associated Screen News (ASN), filière d'une
compagnie new-yorkaise rachetée par les Canadiens Ben Norrish et
Blaine
Irish qui concentre surtout ses activités autour de la
production de
films d'actualité pour les majors américains,
et le
Canadian Government Motion Picture Bureau (CGMPB), entreprise publique
qui assure principalement la production de films canadiens. Par contre,
ses productions sont « à vocation touristique
destinés à attirer de
riches Américains. » Ainsi, « les
écrans canadiens sont
complètement
dominés par le cinéma américain et l'image du
Canada
vient uniquement des films de nos voisins du Sud; une
représentation
caricaturale, pittoresque, qui n'a pas grand-chose à voir avec
le
Canada réel. »[2]
Par ailleurs, la volonté que le cinéma
fait
au pays reflète la
réalité de ses habitants se heurte aux arrangements
fédéraux qui nient
l'histoire et les aspirations propres au peuple du Québec. Une
bataille
doit être menée au sein de l'ONF pour que le Québec
y soit représenté.
Un rapport déposé le 9 décembre 1941 au conseil
d'administration
permet l'embauche d'un premier réalisateur
« canadien-français », à qui
se grefferont des artisans du cinéma issus du Québec.
« Rapidement, [...]
le goût des Québécois pour le cinéma fait en
sorte que le Québec prend
la tête du peloton des provinces pour ce qui est de la
fréquentation,
suivi de la Saskatchewan, de l'Alberta, du Manitoba et des
Maritimes. »[3]
En 1956, l'ONF déménage à
Montréal.

Du
film Les
Raquetteurs réalisé par Michel Brault et
Gilles Groulx en 1958
|
En 1958 sort le film Les Raquetteurs,
considéré
comme
le
précurseur du cinéma direct, c'est-à-dire qu'il
présentait directement
une activité, filmée caméra à
l'épaule. Ce film est tout d'abord une
commande de l'ONF pour faire un court film de quatre minutes «
sous le
modèle des News Reel ayant été établi
pendant la guerre ».[4]
Avec l'audace de Michel Brault, Gilles Groulx et Marcel
Carrière, les
deux premiers à la réalisation et au montage et le
troisième au son, ce
film, monté en secret la nuit, marque « la première
fois que des
cinéastes réussissaient le son synchro au Canada
»[5] et a une durée de
14 minutes.
Les Raquetteurs remporte à
Florence, en 1960, la Médaille d'argent décernée
par la Radio italienne
au Festival dei Populi (festival international de
documentation sociale).

Tournage
du film Pour la suite du monde
réalisé par Michel
Brault et Pierre Perrault en 1962
|
Michel Brault, Gilles Groulx, Claude Jutra,
Pierre Perrault, Fernand
Dansereau et Arthur Lamothe sont quelques-uns des artisans de ce type
de documentaires, ensuite de longs métrages, qui ont
montré avec
respect et honnêteté différentes facettes de la vie
des peuples
québécois et autochtones. Parmi les films les plus
reconnus de cette
époque,
on retrouve : La lutte, Pour la suite du monde, Bûcherons
de
la
Manouane.
Le prestige du cinéma fait à cette
époque à
l'ONF fait dire à George Sadoul, historien du cinéma,
dans son livre de
référence Histoire du cinéma mondial:
« En 1962, on a assisté moins à la renaissance
qu'à la naissance du
cinéma canadien [...] L'Office du film canadien contribua
à cette
naissance en formant des jeunes par le court
métrage, mais aussi en mettant au point des caméras
légères à
enregistrement sonore synchrone [...] Les jeunes auteurs de ce
nouveau cinéma furent surtout des Canadiens français, qui
ne furent pas
toujours sans relation avec le mouvement national de Québec.
»
La nécessité de créer et distribuer
des «
films nationaux destinés à
aider les Canadiens de toutes parties du Canada à comprendre les
modes
d'existence et les problèmes des Canadiens d'autres parties
» doit être
maintenant revu à la lumière des besoins des peuples du
Québec, des
Premières Nations et du Canada d'avoir des institutions
culturelles sous contrôle public, et non pas liées aux
besoins des
monopoles et des gouvernements qui les représentent. En 2012,
les
coupures de 7 millions $ du gouvernement Harper à l'ONF ont
forcé la
fermeture de la CinéRobothèque, un service de
visionnement donnant
accès à quelque 10 000 films, tout comme les deux salles
de cinéma
qu'abritait l'édifice situé au coin des rues Saint-Denis
et De
Maisonneuve à Montréal.
 
Du film You
Are
On
Indian Land de Mort Ransen. À droite: Michel Brault et
la
caméra qu'il utilisait à l'époque des
documentaires.
___________
1. Site
Web
de
la cinémathèque québécoise
2. ONF/Blogue
3. Les dossiers de la cinémathèque : Résistance et
affirmation : la
production francophone à l'ONF — 1939-1964
4. Wikipedia -Les Raquetteurs
5. ONF/Blogue
Références
(ONF/Blogue, Les
dossiers de la cinémathèque : Résistance et
affirmation : la production francophone à l'ONF - 1939-1964,
Encyclopédie du patrimoine culturel de l'Amérique
française, Voir.ca)
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