La Commission Charbonneau se
prépare à conclure ses travaux
La Commission d'enquête sur l'octroi et la
gestion des contrats
publics dans l'industrie de la construction, appelée Commission
Charbonneau, s'apprête à interrompre ses travaux pour la
période
estivale. À l'automne la Commission entendra la
présentation des
mémoires d'experts ainsi que des interventions du public, les
citoyens et
organisations ayant été invités à
présenter leurs points de vue sous
forme de mémoires à transmettre au plus tard le 11
juillet 2014.
Ensuite la commission entreprendra la rédaction de son rapport
final
qui doit être déposé avant le 19 avril 2015.
Depuis qu'elle a débuté ses audiences le
22
mai 2012, la Commission
Charbonneau a entendu 205 témoins, amassé des milliers
d'heures de
témoignages et quantité de documents, reçu plus de
6000 appels
téléphoniques, lettres et courriels. Elle a
examiné: 1) les stratagèmes
de collusion et de corruption; 2) le financement des partis politiques;
et 3) l'infiltration de l'industrie de la construction par le crime
organisé.
L'exposition de pratiques illégales dans
l'industrie de la
construction, à l'ère où les différents
paliers de gouvernements
consacrent à la construction d'infrastructures publiques des
sommes
comparables aux budgets de la santé et de l'éducation, a
vite attiré
l'attention sur les méthodes et l'ampleur de l'influence de
puissants
intérêts privés sur les
prises de décisions des gouvernements et l'orientation
générale de
l'économie. C'est ce qui fait de cette commission et des
recommandations qu'elle fera un développement très
important à la
lumière du besoin de renouveau des institutions
démocratiques du Québec.
Rappelons que le mandat de la Commission
Charbonneau, qui porte sur les 15 dernières années, est :
1. d'examiner l'existence de stratagèmes et,
le cas échéant, de
dresser un portrait de ceux qui impliqueraient de possibles
activités
de collusion et de corruption dans l'octroi et la gestion de contrats
publics dans l'industrie de la construction, y compris des liens
possibles avec le financement des partis politiques ;
2. de dresser un portrait de possibles
activités d'infiltration de l'industrie de la construction par
le crime
organisé;
3. d'examiner des pistes de solution et de
faire des recommandations
en vue d'établir des mesures permettant de repérer,
d'enrayer et de
prévenir la collusion et la corruption dans l'octroi et la
gestion des
contrats publics dans l'industrie de la construction ainsi que
l'infiltration de celle-ci par le crime organisé.
Pour ce qui est du pouvoir de la commission,
il s'agit d'une
commission d'enquête publique qui est, par définition,
indépendante du
gouvernement. Selon son mandat, son rôle consiste à
«établir des faits
permettant de comprendre le fonctionnement d'un système et de
proposer
des recommandations de manière à corriger des situations
problématiques. Il ne s'agit donc pas d'un procès. Les
commissaires
n'ont pas à prononcer de verdict de culpabilité ni
à établir de
dommages. »
Le vrai problème avec le financement des
partis politiques
- Christine Dandenault -
Au cours des récentes audiences à la
Commission Charbonneau, la
question du financement politique a été mise sur la table
en lien avec
le témoignage de Nathalie Normandeau, ex-vice-première
ministre et
ministre des Affaires municipales du gouvernement libéral de
Jean
Charest. Confrontée à des révélations de
possibles activités de
financement illicites dans son entourage, Mme Normandeau a dit que son
chef de cabinet n'aurait pas dû organiser entre 2003 et 2010 les
événements de financement annuels dont il est question.
Elle a suggéré
qu'à l'avenir il soit interdit à tout membre politique du
cabinet d'un
ministère de participer à l'organisation
d'activités de financement. Le
premier ministre Philippe Couillard a approuvé cette
suggestion :
«
Compte-tenu de leurs responsabilités, il n'est pas souhaitable
que les
directeurs de cabinet fassent de la sollicitation pour du financement
politique. »
Le premier ministre a ajouté : « On
est
maintenant dans une ère de
financement populaire où, finalement, les partis politiques
n'ont même
plus besoin d'avoir de responsable de coordination de financement. Et
tant mieux, c'est bon pour la démocratie. »
Il fait allusion aux changements apportés
à
la Loi électorale du Québec qui ont permis
d'augmenter le
financement public (c'est-à-dire par
l'État) des partis politiques et, en 2013, réduit
à 100 $ maximum le
montant que
peut maintenant donner un électeur à un parti. Le fort
sous-entendu du
premier ministre est que le financement
public aurait enfin permis de régler le problème de la
corruption des
partis par des intérêts privés, et à toute
fin pratique éliminé le
phénomène des «retours d'ascenseur» (le parti
une fois élu retourne la
faveur aux intérêts privés qui ont contribué
à son financement
électoral).
D'abord, il faut savoir que l'ère du
financement public dit populaire ne date
pas d'aujourd'hui. Déjà en 2010 et même avant, les
partis politiques
étaient financés à 60 % par les fonds publics et
ce pourcentage a
depuis augmenté. Le problème avec ce système est
que des fonds publics
servent à financer des partis politiques qui sont des
entités privées.
Ils
ne servent pas au financement du processus politique pour habiliter le
peuple à participer davantage à la vie politique mais au
financement
des partis.
Un des problèmes importants de la vie
politique au Québec est
justement que le processus politique continue d'être l'apanage
des
partis politiques. L'État finance l'élection,
l'infrastructure d'une
élection publique, mais pour l'élection de partis
politiques qui
représentent des intérêts privés. La
dernière élection a coûté aux
Québécois et Québécoises 88
millions $. Est-ce que cela a donné au peuple plus de
contrôle et de
pouvoir sur les affaires qui le concernent ? Non. En 2013,
l'État a
versé 10 640 246 $ à 18 partis politiques
autorisés (ayant
participé
aux élections de 2012). De ce nombre, 90 % a été
versé au Parti
Québécois, au Parti libéral du Québec et
à la Coalition Avenir
Québec, soit 9 576 222 $. Est-ce que cela a permis de
briser
la
marginalisation du peuple dans les affaires politiques ? Non plus.
L'autre illusion créée avec ces
déclarations
est que le problème
serait le comportement d'individus malveillants, corrompus et non
l'élection de partis et le système de gouvernement de
partis. Durant
les travaux de la Commission Charbonneau on entend souvent la
théorie
des pommes pourries: il y a de bons politiciens, honnêtes,
intègres
mais
qui sont manipulés par des firmes privées, des
intérêts privés, ou sont
victimes de manoeuvres qui se font dans leur dos dans leur entourage.
Certains s'indignent de ces pratiques et clament leur innocence,
d'autres les trouvent incontournables ou nécessaires et clament
leur
innocence aussi.
La Commission Charbonneau a permis d'exposer
beaucoup de stratagèmes
illégaux de financement des partis par des intérêts
privés qui vont en
profondeur et qui prennent plusieurs formes. Le premier ministre
prétend que tout cela est derrière nous grâce au
financement public des
partis et l'ex-vice-première ministre Nathalie Normandeau
prétend qu'on pourra éradiquer les problèmes
restants si on institue un
mécanisme par lequel les ministres ne sont pas au courant des
activités
de financement privé! Cela ne fera que renforcer le
système d'élection
et de gouvernement de partis qui permet à de puissants
intérêts privés
d'exercer une influence dominante sur les décisions des
gouvernements élus.
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