Vendredi le 23 septembre se tiendra au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde la marche mondiale pour la justice sociale et climatique. Cet événement qui se tient maintenant depuis près d'une décennie donnera lieu à des manifestations dans la plupart des grandes villes du Québec, dont Montréal, Québec, Gatineau, Rimouski, l'Assomption, Trois-Rivières, Sherbrooke et Rouyn-Noranda, et dans plusieurs villes du Canada.
Les jeunes qui sont très présents lors de ces actions et souvent les principaux organisateurs mettent de l'avant la nécessité de lutter pour humaniser autant l'environnement social que naturel. Ils ne se font aucune illusion sur les gouvernements de partis au pouvoir face à la crise climatique, encore moins sur le système des tribunaux. En effet, en juillet 2022 la Cour suprême du Canada a refusé d'entendre une demande de l'organisme Environnement Jeunesse qui voulait intenter une action collective au nom des jeunes de 35 ans et moins contre le gouvernement du Canada « pour l'insuffisance de ses actions face à l'urgence climatique »[1].
On n'a qu'à examiner le « Plan pour une économie verte 2030 » du gouvernement Legault pour comprendre que ce sont encore des stratagèmes pour remettre encore plus d'argent entre les mains de riches intérêts privés. Sur le site web de la CAQ, on parle d'« Actions pour lutter contre les changements climatiques », dont réduire les gaz à effet de serre (les GES) par « l'achat et la vente de droits d'émission de GES » par des grandes entreprises. On n'a qu'à penser aux alumineries, aux fonderies, aux aciéries, aux cimenteries, aux usines de pâtes et papiers, aux raffineries de pétrole, aux mines, aux entreprises de transport maritime, terrestre et aérien qui sont visées en tant que grands pollueurs.
Pour ceux qui connaissent ce stratagème il est appelé Système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre du Québec (SPEDE). Ce que cela veut dire, c'est que les entreprises dans ces secteurs de l'économie bénéficient du droit de polluer. La seule condition est que si elles dépassent un certain seuil fixé par le gouvernement, elles doivent acheter des crédits en compensation de leur dépassement de ce seuil[2]. En d'autres mots, ces entreprises peuvent continuer à polluer en autant qu'elles paient une amende. Lorsque ce système a été mis au point en 2006, par le gouvernement libéral de Jean Charest, la prétention était que cela va quand même inciter les grands pollueurs à chercher des solutions technologiques pour réduire la pollution. Qui va payer pour ces changements technologiques ? La réponse est que l'argent va être pris dans le Fonds vert mis en place par le gouvernement du Québec à la même époque. On y trouve des sommes d'argent annuelles importantes de plusieurs centaines de millions de dollars qui sont générées par les différentes entreprises et les particuliers qui ont droit d'y participer lors des « achats et ventes de droits d'émission de GES » à l'occasion d'enchères qui se tiennent quatre fois par année entre le Québec et la Californie.
Ce « Fonds vert » maintenant appelé Fonds d'électrification et de changements climatiques (FECC) est une manne pour les grands pollueurs qui peuvent en retour demander des subventions aux différents ministères du gouvernement du Québec pour soi-disant diminuer la production annuelle des GES. Ainsi, dans les documents rendus publics dans le passé sur le Fonds vert par le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques, on apprend que pour la période de 2008 à 2013 des monopoles du transport comme Canada Steamship, Bombardier et CN, des monopoles miniers comme RioTinto et l'aluminerie Alouette, des usines des pâtes et papier détenues par Kruger et autres, ont pu se faire payer aux frais du ministère des Transports du gouvernement du Québec l'achat de navires, de locomotives, le transport en vrac d'alumine, le transport de bois à raison de plusieurs millions de dollars. En d'autres mots les montants que paient en amendes ces grands industries pour le droit de polluer leur reviennent sous forme de subventions de l'État[3].
Certaines émetteurs industriels de GES se font même exempter de payer ces amendes au gouvernement du Québec parce qu'ils sont « exposés à une forte compétition nationale ou internationale ». Comme cela a été révélé en août dernier, c'est parmi ces entreprises dans les domaines des pâtes et papiers, des mines, de l'aluminium, de la métallurgie, du ciment, du bouletage et de la sidérurgie qu'on en retrouve 89 qui peuvent déroger à la loi sur les normes environnementales sur les rejets dans l'air et dans l'eau. Plusieurs de ces entreprises appartiennent à des oligopoles, pour la plupart de propriété étrangère : Rio Tinto, Arcelor Mittal, Lafarge, Tata Steel, Kruger, Cascades et Produits forestiers Résolu[4].
Il ne faudrait pas s'étonner une fois l'élection passée qu'un scénario similaire soit proposé par le parti au pouvoir pour réduire les émissions de métaux toxiques de la fonderie Horne, propriété de Glencore, à Rouyn-Noranda. Déjà, cet oligopole minier a reçu entre 2009 et 2014 plus de 1 millions de dollars de subventions gouvernementales du Fonds vert[5] pour ses opérations à Baie Déception, dans le Nunavik , là où il extrait le nickel de quatre mines souterraines dont Raglan et Katinniq.
Avec le projet de loi 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification, parrainé et adopté en octobre 2020 par le gouvernement Legault, c'est maintenant le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques qui a les pleins pouvoirs de distribuer les sommes générées par le Fond vert aux riches intérêts privés sans que soit divulgué à qui ces montants sont distribués. Ainsi Radio-Canada rapportait le 9 décembre 2021, dans un article intitulé « Le Fonds vert toujours aussi opaque », que les Comptes publics du gouvernement du Québec ne permettent seulement d'avoir qu'un aperçu très sommaire du Fonds vert. « Pour l'année financière 2020-2021, plus d'un milliard de dollars ont été dépensés par les différents ministères sans qu'on sache pourquoi exactement. Pendant la même période, les revenus provenant principalement d'une taxe sur l'essence ont été de 761 millions de dollars [6] », rapporte Radio-Canada.
Sur le site web de la CAQ, sous la rubrique « La CAQ en environnement : meilleur bilan de l'histoire ? », il n'y a pas un mot sur le fait qu'en décembre 2021 le gouvernement Legault, à la demande des oligopoles miniers, tels que Glencore et Vale, a haussé arbitrairement de cinq fois la norme d'émission de nickel dans l'air, en contradiction avec les standards internationaux de l'Organisation mondiale de la santé, qui sont la norme acceptée par la communauté scientifique internationale.
Des expressions comme « développer une économie verte » sont utilisées pour laisser entendre que les méthodes utilisées sont durables et respectueuses de l'environnement naturel et social, alors qu'en réalité elles ne répondent pas aux revendications du peuple qui réclame un environnement sain et salubre et qui exige des comptes pour les décisions prises par le parti au pouvoir.
La voie empruntée par le gouvernement Legault est une voie désastreuse parce qu'elle est sous le contrôle des grands intérêts privés. Elle est en opposition à celle de la construction d'une économie diversifiée qui suffit à ses besoins et qui est sous le contrôle du peuple et au service de ses besoins et de son bien-être. Tout cela montre que la sauvegarde de l'environnement naturel et social et la prévention des catastrophes climatiques nécessitent que le peuple prenne les choses en main par un renouveau du processus décisionnel à tous les niveaux.
Exprimons-le haut et fort le 23 septembre. Soyons présents aux nombreuses actions partout au Québec et au Canada.
* Fernand Deschamps est le candidat du PMLQ dans Verdun.
Notes
1.« La Cour suprême refuse d'entendre l'appel d'Environnement Jeunesse , Le Devoir , 29 juillet 2022
2. « Le marché du carbone au Québec : mythe et réalité - Fernand Deschamps », Chantier politique, 25 mai 2015
3. PAREGES – Liste des projets acceptés 2008-2013, Ministère des transports du Québec
4. « Voici les 89 entreprises polluantes que Québec autorise à déroger à la loi », Radio-Canada, 21 août 2022
5. « Liste des subventions versées par le Fonds vert dans le cadre du Plan d'action sur les changements climatiques 2006-2012 », Ministère des Transports du Québec, 2015
6. « Le Fonds vert toujours aussi opaque », Radio-Canada, 9 décembre 2021