La zone industrielle et portuaire de Bécancour sur le fleuve
St-Laurent, dans le centre du Québec, offre une infrastructure
industrielle et portuaire de classe mondiale pour soutenir
l'établissement d'industries lourdes. Elle est ciblée par le
gouvernement Legault comme une infrastructure essentielle à la
poursuite de l'intégration du Québec à l'économie et à la
machine de guerre des États-Unis.
Le gouvernement des
États-Unis ne cache pas qu'il s'efforce de sécuriser les chaînes
d'approvisionnement « Made in America » pour les minéraux
critiques, y compris les éléments des terres rares, le lithium et
le cobalt, dont les États-Unis ont besoin, entre autres choses, pour
leur capacité de combat. Les déclarations selon lesquelles ce
développement sera bénéfique aux Québécois et aux Canadiens en
assurant la transition vers une énergie verte et le développement
de véhicules électriques civils comme exemple clé de cette
transition ne peuvent cacher le fait que l'infrastructure en cours de
construction sert la machine de guerre et les efforts des États-Unis
pour dominer le monde. Cela va à l'encontre de la volonté des
Québécois et des Canadiens de construire une économie qui veille
au bien-être de la population et qui favorise les échanges sur la
base de l'avantage réciproque.
Des développements
récents ont mis en évidence les objectifs militaires agressifs qui
sont poursuivis par la construction de ces usines et infrastructures.
Un accent important est mis sur le fait que le Canada rompt ses
relations avec la Chine afin que l'armée américaine prenne le
contrôle de divers gisements miniers au Canada grâce aux récents
financements publics annoncés par l'administration Biden. Les fonds
publics aux États-Unis ont été donnés à l'armée et celle-ci les
utilise maintenant pour aider les sociétés américaines à prendre
le contrôle de divers projets miniers au Canada afin de placer le
Canada, ses ressources, son territoire et ses travailleurs sous leur
contrôle, tout cela au nom de la sécurité nationale et de contrer
l'influence chinoise sur le Canada. Les Québécois et les Canadiens
sont tenus dans l'ignorance et placés devant un fait accompli.
Au début du mois de
novembre, le gouvernement canadien a ordonné à trois entreprises
chinoises de se désinvestir d'un trio de sociétés minières
canadiennes basées dans le pays, sous le prétexte frauduleux
d'assurer la sécurité nationale du Canada. Il s'agit là de
tentatives des agences de renseignement d'attiser l'hystérie contre
la Chine afin d'établir le contrôle incontesté par les États-Unis
des minéraux critiques et des chaînes d'approvisionnement du Canada
par le biais d'infrastructures telles que les ports, les autoroutes,
les chemins de fer, etc.
La « transition
énergétique » du premier ministre du Québec François Legault met
de l'avant ce qu'il appelle un « pôle mondial pour toute la filière
batterie » dans la zone industrielle et portuaire de Bécancour.
En 2022, de nombreux
monopoles des secteurs minier et manufacturier liés à la production
de piles rechargeables au lithium-ion ont fait connaître leur
intention de s'installer dans la région de Bécancour, le long du
fleuve St-Laurent, pour y effectuer le traitement du lithium, du
nickel et du graphite, des minéraux que les États-Unis déclarent
comme étant critiques à leur sécurité nationale et leur capacité
de combat. Le lithium en particulier est utilisé dans la fabrication
de missiles et dans les équipements portables utilisés par les
soldats. Tout en se disant favorables à une économie verte, ces
monopoles des secteurs minier et manufacturier exigent des tarifs
d'hydroélectricité qu'eux jugent favorables à leurs intérêts
étroits privés.
En juin dernier,
l'oligopole minier brésilien Vale a annoncé son intention
d'installer à Bécancour une usine avec une capacité annuelle de
traitement de 25 000 tonnes de sulfure de nickel pour les transformer
en sulfate de nickel, le composé chimique utilisé dans la
production de matériaux actifs pour les batteries lithium-ion à
base de nickel. Le nickel proviendrait des opérations minières de
Vale à Voisey's Bay, au Labrador, ou de celles de Sudbury en
Ontario. Le 23 novembre, Vale et General Motors ont annoncé qu'ils
avaient signé un accord pour fournir du sulfate de nickel à une
usine que Vale propose d'établir à Bécancour.
Le parc industriel
de Bécancour doit aussi accueillir deux autres projets d'envergure :
celui de la firme allemande BASF et celui de l'alliance entre
l'aciérie sud-coréenne POSCO et le constructeur automobile
américain General Motors pour la fabrication de matériaux pour les
cathodes – élément principal de la batterie au lithium-ion. Le
nickel entre aussi dans la fabrication de la cathode de ces mêmes
batteries, ce qui explique l'intérêt de Vale pour Bécancour.
Le graphite utilisé
pour la fabrication des composants d'anode des batteries au
lithium-ion est présentement extrait à 120 km au nord de Montréal
dans la mine à ciel ouvert de Nouveau Monde Graphite (NMG). Ce
projet minier a été approuvé par le gouvernement du Québec, sans
que toutes les études environnementales demandées par le Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) aient été
réalisées. NMG est détenue en partie par le groupe britannique
Pallinghurst et Investissement Québec et maintenant par les
entreprises japonaises Mitsui et Panasonic, qui ont annoncé le 20
octobre dernier qu'ils investissaient 25 millions de dollars
américains avec une contrepartie de Pallinghurst et Investissement
Québec de 12,5 millions de dollars américains chacun.
La carte produite
par Nouveau Monde Graphite montre le pôle de Bécancour pour la
production des batteries au lithium et son accès aux marchés.
Le graphite de haute
pureté qui y est extrait pourrait également être utilisé pour la
production d'armes. Il sera traité dans une future usine de
raffinage qui sera construite à Bécancour, dans le cadre d'une «
toute nouvelle production intégrée d'anodes au Canada ». En avril
déjà, les gouvernements fédéral et ontarien ont annoncé l'octroi
de centaines de millions de dollars non spécifiés à la société
européenne Stellantis et à LG Energy Solution de Corée du Sud «
pour construire une usine de batteries pour véhicules électriques
de 5 milliards de dollars à Windsor ».
Lors de sa visite au
Canada les 27 et 28 octobre, qui visait à dire au Canada de
s'aligner sur les tentatives des États-Unis d'isoler davantage la
Chine et la Russie et d'intégrer encore plus le Canada à la machine
de guerre des États-Unis, le secrétaire d'État Anthony Blinken a
d'ailleurs visité, avec la ministre des Affaires étrangères
Mélanie Joly, une usine pilote à Montréal pour le recyclage des
batteries au lithium-ion des véhicules électriques. Cette usine
pilote, Recyclage Lithion, est détenue conjointement par les
intérêts privés étrangers General Motors (GM), la société
sud-coréenne IMM Global Battery Limited et les gouvernements
canadien et québécois. En avril, le gouvernement Legault a investi
15 millions de dollars en actions dans Recyclage Lithion et lui a
accordé 7,5 millions de dollars en subventions.
L'emplacement
envisagé pour la première de ces usines de recyclage n'a pas encore
été déterminé, mais si GM obtient ce qu'elle veut du gouvernement
Legault en ce qui concerne les tarifs d'hydroélectricité, il y a de
fortes chances qu'elle installe une usine de 500 millions de dollars
dans la région de Bécancour, qui s'accorde bien avec les corridors
de commerce qui alimentent le secteur manufacturier américain.
À Sorel, situé à
moins de 100 km en amont de Bécancour, l'usine appartenant à la
compagnie minière anglo-australienne Rio Tinto transforme le minerai
de titane de Havre St-Pierre pour en extraire du dioxyde de titane et
de l'oxyde de scandium, deux autres minéraux stratégiques qui ont
aussi des applications militaires. Le 11 octobre dernier, lors d'une
visite de l'usine à Sorel, le premier ministre Justin Trudeau et le
ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie
François-Philippe Champagne ont annoncé des subventions du
gouvernement fédéral de 222 millions de dollars à Rio Tinto pour
procéder « à l'électrification des fournaises et au remplacement
du charbon » pour la « décarbonation » de l'usine. Rio Tinto a
déjà annoncé qu'elle va aussi procéder à cette même usine au
raffinage du lithium qui proviendrait de plusieurs sources à
l'échelle internationale si « les conditions y sont favorables ».
Il va de soi que
pour ces riches intérêts privés étroits la question d'obtenir du
gouvernement du Québec un tarif pour l'hydroélectricité qu'eux
jugent favorable va être un facteur déterminant dans leurs
décisions d'aller de l'avant avec ces projets à Bécancour et à
Sorel. Guy Leblanc, PDG d'Investissement Québec, le pourvoyeur de
subventions du ministère de l'Économie et de l'Innovation du Québec
dont Fitzgibbon est le ministre, a abondé dans le même sens :
« Nous sommes en
discussion avec plusieurs groupes. Ça se confirme : l'ensemble de la
chaîne va s'établir au Québec. Pour la première fois dans
l'histoire du Québec, on va faire de la transformation de nos
minéraux sur place. »
Même si cette
transformation se fait sur place, rien n'indique que le gouvernement
Legault sera en mesure de contrôler où ces minéraux transformés
aboutiront. En d'autres mots, cette chaîne d'approvisionnement en
minéraux critiques qui débute avec leur extraction, puis leur
transformation n'est pas sous le contrôle du gouvernement Legault,
mais bien de grands intérêts privés anglo-américains, brésiliens,
européens, sud-coréens et japonais qui rivalisent avec la Chine et
la Russie.
Elle est une partie
intégrante de l'intégration plus poussée du Québec et du Canada à
la machine de guerre impérialiste américaine, au nom du
développement de l'économie verte. La zone industrielle et
portuaire de Bécancour est en train d'être préparée comme une
infrastructure essentielle de cette intégration.