13 décembre 2022
Montréal
Mardi, 13 décembre
– 11 h
Bureaux de la
CNESST, 150, Rue Sainte-Catherine ouest
L'un des principaux
problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs de la
construction au Québec est que, lorsqu'ils prennent la parole pour
exiger des conditions de travail sécuritaires, ils sont criminalisés
par les entreprises de construction et le gouvernement et son agence,
la Commission de la construction du Québec (CCQ).
Les travailleurs
organisent une manifestation mardi le 13 décembre à Montréal
devant les bureaux de la Commission des normes, de l'équité, de la
santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour exiger sur
l'ensemble des chantiers de construction que la formation des
représentants en santé et en sécurité qui entreront en fonction,
selon la loi, dès le 1er janvier 2023, soit faite par les
travailleurs et non par les employeurs .
Les statistiques
démontrent l'urgence de cette demande qui fait partie de l'ensemble
des demandes des travailleurs de la construction à la défense de
leurs droits.
En 2021, 207
travailleuses et travailleurs ont perdu la vie au Québec dans le
cadre de leur emploi, par accident de travail ou des suites d'une
maladie professionnelle. C'est une hausse de 20 % par rapport aux
statistiques de 2020. Parmi ces décès, 71 sont survenus dans
l'industrie de la construction, une hausse de 60 % par rapport à
2020. Au total, dans tous les secteurs de l'économie au Québec, 105
692 lésions professionnelles ont été recensées, 960 de plus par
rapport à 2020.
Les décès dans
l'industrie de la construction sont passés de 25 % du total des
décès au travail en 2020 à 35 % en 2021, alors que les
travailleurs de la construction représentent 5 % de la main-d'oeuvre
en emploi.
Dans plusieurs
discours pendant et après les élections, le premier ministre
François Legault a affirmé que le secteur de la construction est
essentiel à la construction d'infrastructures pour les corridors
énergétiques et autres, pour la construction d'usines engagées
dans l'extraction de minéraux critiques exigée par les États-Unis
pour sa machine de guerre, et d'autres projets. Le premier ministre a
dit que la pénurie de main-d'oeuvre dans la construction est le
problème principal à résoudre à l'heure actuelle.
Il y a effectivement
une surchauffe présentement dans le secteur de la construction. Les
statistiques sur les heures travaillées le démontrent. Selon les
statistiques les plus récentes qui sont disponibles, il y a eu 195
millions d'heures travaillées dans la construction en 2021, par
environ 190 000 travailleurs, un record absolu. En 2018, les heures
travaillées approchaient les 150 millions alors que le nombre de
travailleurs approchait les 160 000, soit un rapport plus élevé
travailleurs/heures travaillées qu'en 2021.
L'affirmation d'une
pénurie de main-d'oeuvre dans la construction
Le nombre de
travailleurs qui quittent le secteur chaque année est d'environ 15
%. En 2020, il y a eu 22 % de départs de plus qu'en 2019. Les
travailleurs quittent pour plusieurs raisons dont de mauvaises
conditions de travail, l'accélération effrénée des cadences de
travail, l'absence de sécurité d'emploi sans listes d'ancienneté
et de rappel dans la très vaste majorité des secteurs,
l'intimidation par les entreprises lorsque les travailleurs dénoncent
les conditions non sécuritaires, le refus par la CNESST de garantir
des conditions sécuritaires, parmi tant d'autres.
La réponse du
gouvernement et de la CCQ face à cette « pénurie » est
d'affaiblir la formation des travailleurs pour les faire entrer plus
vite dans le secteur.
Les grutiers luttent
depuis plusieurs années, et leur lutte se poursuit toujours, contre
l'abolition de l'exigence obligatoire que les grutiers suivent une
formation et obtiennent un Diplôme d'études professionnelles avant
qu'ils puissent opérer une grue . Cette exigence a eu comme résultat
une diminution marquée des décès et accidents impliquant des
grues.
Maintenant, au nom
de traiter de la pénurie de main-oeuvre, on assiste à un phénomène
général dans l'ensemble du secteur de la construction, qu'on
appelle « l'ouverture des bassins », c'est-à-dire l'entrée
massive de travailleurs, dont un très grand nombre de jeunes, dans
les différents secteurs de la construction, sans formation
professionnelle. La CCQ permet à toute personne avec une garantie
d'emploi de 150 heures d'entrer dans l'industrie de la construction
comme apprenti. On fait miroiter aux jeunes la possibilité d'aller
gagner de bons salaires sans devoir aller s'asseoir sur les bancs
d'école.
Selon un syndicat de
la construction, le taux d'abandon des travailleurs et des
travailleuses qui entrent par l'ouverture des bassins sans formation
est très supérieur au taux de ceux qui ont obtenu un diplôme d'une
école de formation ou ont une expérience de travail pertinente.
Plusieurs ne terminent même pas leurs 150 heures.
Selon ce syndicat,
9.3 % des diplômés quittent en moyenne le secteur après 1 an,
contre 20,6 % pour les non diplômés. Après cinq ans, 28,3 % des
diplômés quittent le secteur alors que la proportion est de 41,6 %
chez les non diplômés.
Le gouvernement et
la CCQ promeuvent ouvertement cette méthode aventurière au nom de
régler la pénurie de main-d'oeuvre.
Un autre problème
que soulèvent les travailleurs, c'est celui de la formation et de la
sécurité d'emploi des représentants en santé et en sécurité.
La loi 27, Loi
modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, a reçu
la sanction royale le 6 octobre 2021 malgré l'opposition massive des
travailleurs. C'est une attaque en règle contre le droit des
travailleurs à des conditions de travail salubres et sécuritaires.
Entre autres choses, elle laisse les programmes de prévention dans
les mains des employeurs.
La loi généralise
la présence de représentants en santé et sécurité sur les
chantiers de construction, autrefois réservé aux plus grands
chantiers. Ces représentants sont élus par les travailleurs et sont
censés exercer leur travail de façon indépendante par rapport aux
employeurs. Officiellement, ils ne peuvent pas être congédiés ou
soumis à des mesures disciplinaires par ceux-ci pour avoir exercé
leurs fonctions.
Ces représentants
sont censés entrer en fonction le 1er janvier 2023 à l'échelle du
Québec.
La manifestation du
13 décembre devant les bureaux de la CNESST vise à faire en sorte
que ces représentants entrent non seulement en fonction mais soient
formés par leurs syndicats et que ces représentants puissent agir
de manière indépendante face aux employeurs. Les grandes
entreprises de la construction s'y opposent et veulent contrôler la
formation.
En plus, parce qu'il
n'y a pas de sécurité d'emploi dans la construction, pas de liste
de rappel ou d'ancienneté sauf dans des cas très rares et que les
travailleurs doivent postuler pour un emploi à chaque nouveau
projet, il n'y a pas de protection pour les représentants de santé
et sécurité. Officiellement, l'employeur n'a pas le droit de
congédier un travailleur représentant en santé et sécurité mais,
de manière routinière, les travailleurs qui défendent leurs droits
sont congédiés sur les chantiers en se faisant dire qu'il n'y a
plus de travail de disponible pour eux, qu'ils doivent chercher du
travail ailleurs.
Les travailleurs
vont manifester mardi le 13 décembre en opposition à cet
arbitraire, et pour demander que les représentants en santé et
sécurité soient entièrement formés par les travailleurs et leurs
syndicats.
Les travailleurs de
la construction mettent de l'avant des demandes comme la sécurité
d'emploi, la planification des travaux pour éviter le surmenage
durant les périodes de pointe suivies de périodes de disette de
travail, et une formation professionnelle adéquate pour tous les
travailleurs de la construction.
Le Centre ouvrier du
PCC(M-L) appuie fermement ces demandes des travailleurs de la
construction et leur droit de s'organiser et leur réclamation à
l'immense valeur qu'ils créent pour l'économie.